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Par Zoeenzo le 13 Juin 2011 à 19:02
Portraits des vies de ces personnages..
De l’amour
~ Sans grande surprise, le Sablier étant une série shojo, on se doute qu’il sera surtout question d’Amour le long de ces dix volumes. Mais là où les autres récits se contentent généralement de dépeindre les émois de jeunes lycéennes ou étudiantes à la recherche du prince charmant, ou hésitant entre différents prétendants parmi un casting de jeunes éphèbes (maigrelets pour la plupart), l’œuvre de Hinako Ashihara en dévoile un spectre beaucoup plus étendu. En le décrivant à tous les âges, en le développant sur toutes ses formes, c’est un portrait complet qui est réalisé par l’auteure, donnant ainsi une définition très large de ce sentiment qui a toujours fait tourner le monde.
Loin de simples préoccupations juvéniles, la romance entre An et Daigo qui nous est narrée prend ses origines dans des sentiments beaucoup plus sincères qu’une simple préoccupation juvénile. En effet, ces deux enfants n’ont qu’une douzaine d’années lorsqu’ils se croisent pour la première fois. Un premier contact assez houleux d’ailleurs, donnant lieu à une dispute puérile entre la jeune citadine amadouée par un petit lapin et le garçon de la campagne qui ne pense qu’à le manger ! Entre les deux, aucun coup de foudre immédiat, pas de dialogues de sourds sur leurs sentiments cachés et dont une réponse (attendue) ne serait apporté qu’en fin de série. Ici, l’attirance naît peu à peu, on voit leur amitié grandir, jusqu’au moment où An subira la perte de sa mère et que Daigo jurera de toujours la protéger. On découvre alors un amour basé sur l’attachement, la confiance, le soutien mutuel. Si en apparence An se repose davantage sur les épaules du robuste garçon, ils ont en réalité autant besoin l’un de l’autre. S’ensuit alors un serment inavoué, une promesse mutuelle de toujours compter sur l’être aimé, malgré la distance qui pourra les séparer, malgré la fuite du temps.
Le temps qui, justement, a une importance considérable dans la série, mais nous aurons l’occasion d’y revenir plus tard dans ce dossier. La mangaka a eu la très bonne idée de ne pas se focaliser sur une seule période de la vie, mais de se concentrer sur chaque étape, une à une, de l’évolution d’une relation amoureuse : les premiers regards qui en disent long, le premier baiser, la première fois, mais également les disputes, les ruptures, les regrets… Des thèmes certes classiques mais l’étalement sur de nombreuses années permet de constater la progression des choses de manière très crédible, sans précipitation, sans retournement de situation grotesque. La sincérité de cette relation n’en est alors que plus touchante. Mais les autres personnages ne sont pas en reste, notamment Fuji et Shiika Tsukishima, qui viendront former un triangle, puis un carré amoureux ! Là encore, si aux premiers instants on peut se douter d’une telle situation, les choses sont amenées très doucement et avec beaucoup de candeur. Difficile alors de les prendre le frère et la sœur pour les méchants de l’histoire, ils sont simplement en lutte face à des sentiments qu’ils ne peuvent maitriser, même si ces derniers seront autant de grains de sable dans l’histoire du couple principal.
Mais la description de l’Amour ne s’arrête pas à ce fameux quatuor. De nombreux autres personnages évoluent en parallèle, et on vient souvent reprendre de leurs nouvelles. Autant d’histoires qui pourraient mériter d’être mises en lumière de la même manière que celle de Daigo et An, même si tout ce petit monde gravite finalement autour d’eux. Les amours éternels de lycée qui finissent par s’estomper, et que l’on oublie, les erreurs charnelles du passé que l’on ne peut effacer, les nouveaux départs qui s’offrent à nous alors que le destin semble nous avoir laissé de côté, … et tant d’autres récits sentimentaux, tous décrits avec un grand sens du réalisme de la part de l’auteur. Ainsi, de nombreuses thématiques sont abordées sans tabous, des premières menstruations d’An jusqu’à sa première approche du sexe, et bien plus tard, l’optique de se poser, de trouver un mari, et de fonder un foyer. Les lycéennes en manque de tendresse sont alors remplacées par les office-lady multipliant les rendez-vous organisés, les illusions de la jeunesse ont laissé place à la maturité, voire au fatalisme, même si le regard sur le passé est toujours dans les esprits.
Enfin, on ne pourrait terminer cette fresque sans parler de l’affection envers sa famille et ses proches, tout aussi importante que le sentiment amoureux en lui-même. La notion de famille est très importante dans la série. Après avoir été trahie par sa mère, An a toujours cherché du réconfort autour d’elle, en en rendant à son tour. Elle viendra même à placer sur un pied d’égalité l’amour envers Daigo et celui envers son père, ce qui lui fera revenir à Tokyo. On ressent également toute l’importance de l’attachement entre les personnages, toujours basé sur ce besoin de protection mutuelle, au cœur même de la série. De nombreux sentiments amoureux en naitront d’ailleurs. Et malgré toutes les épreuves à surmonter, c’est ce principe présent dès l’origine qui sera la clef de l’intrigue, ce soutien réciproque une fois sa propre faiblesse surmontée, pour aider celle de l’autre…voilà le message qu’apporte le Sablier. Avancer ensemble, envers et contre tout, face à l’écoulement inexorable du temps.
Et tout le reste…
Si l’Amour est omniprésent dans la série, résumer la série à ce sentiment serait très réducteur. En effet, au-delà du simple épanouissement sentimental, les héros ont à cœur de réussir leur vie dans les autres domaines. Certes, dans leurs jeunes années, ces personnages sont bien loin de ce genre de considérations, si ce n’est pour Fuji et Shiika. L’éducation de leur riche famille les prédestinera très tôt à de longues études afin de se révéler digne de leur héritage, une voie que l’on choisit pour eux. L’opposition face à la sphère parentale est également un des thèmes majeurs de la série : si Daigo se dispute souvent avec sa mère à cause du caractère franc qu’ils partagent, sa situation est la moins à plaindre. Les enfants Tsukishima, par exemple, ne peuvent supporter les erreurs passés de leur mère, et si l’un choisit la fuite, l’autre retiendra tout pour elle, jusqu’à l’implosion. Enfin, notre héroïne An, doit dans un premier temps faire face à sa colère envers l’acte d’abandon de sa mère, puis pardonner à son père son absence pendant tout ce temps. Parfois, on a même l’impression que les rôles s’inversent et que les enfants sont plus matures que leurs ainés, même si au final, ils sont amenés à suivre des chemins similaires.
Le Sablier se fait également l’écho d’une critique de la société contemporaine nippone, et notamment du train de vie des habitants de la capitale. Un seul mot ressort de cette analyse : la Pression. Elle est déjà visible dans les plus jeunes années, quand on voit les jeunes lycéens qui organisent des séjours de révisions intensifs en été pour se préparer un avenir meilleur, ou quand ils sont amenés à faire des petits boulots pour s’en sortir. Mais le monde d’après, celui des adultes, n’est pas au beau fixe non plus. La pression du travail, du train-train quotidien, de la rivalité au sein de l’entreprise… Sans en faire trop, Hinako Ashihara dresse un portrait acide de ce monde. Mais c’est le cas dès l’origine de la saga : en effet, c’est bien sous la pression de ses dettes que le père d’An sera contraint au divorce, et c’est également le surmenage dus aux efforts qu’elle doit fournir qui aura raison de la volonté de Miwako, la mère d’An, la poussant alors à en finir une bonne fois pour toutes. Beaucoup de personnages seront amenés à fuir cette pression, soit de manière temporaire, par la fugue, la disparition, ou l’exil, ou de manière définitive, par le suicide. Des thématiques fortes, dures, qui justifieront et complèteront le besoin permanent d’amour d’An et des autres personnages. ~
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